Récemment, j’ai ré-écouté le premier épisode de mon podcast « Souple comme le roseau » pour en faire un extrait à destination de ma nouvelle chaîne Youtube. C’était il y a un peu plus d’un an. Ce regard en arrière et le sujet du podcast m’ont inspiré cet article.
Accepter sa différence pour en faire une force
« Transformer sa sensibilité en force » : c’est devenu un lieu commun. Ce n’est pas pour autant un acte simple et inné.
Cette sensibilité débordante, je me doute que vous avez du mal parfois à l’accepter.
Lorsque vous êtes dépassé·e par des difficultés banales que d’autres saisissent à bras-le-corps.
Quand vous ruminez très longtemps des affronts que d’autres n’auraient pas même remarqués.
Lorsque votre entourage s’amuse de votre capacité d’émerveillement. Prenant cela, au mieux pour de la naïveté ; au pire, pour de la superficialité…
C’est comme si vous étiez né·e sans une carapace sensorielle que d’autres semblent posséder.
Vous vous demandez ce qui ne va pas chez vous. Vous vous sentez tellement différent·e. Si souvent incompris·e.
Vous essayez de masquer cette différence. De la gérer. D’endurcir votre tempérament pour qu’il devienne plus socialement acceptable.
La pression culturelle qui nous pousse à nous déguiser pour respecter les normes est écrasante.
Je le sais. Je me suis sentie différente toute ma vie… Pas pour les raisons que vous imaginez.
L’évitement social plutôt que le mensonge
J’ai traîné cette insupportable divergence comme un boulet pendant de nombreuses années. Puis j’ai pris un malin plaisir à désobéir aux conventions sociales. Ces deux attitudes opposées n’ont pas été salvatrices pour moi. Que je cache ma différence ou que je la revendique, elle me faisait toujours autant souffrir.
Je pensais logiquement que mon anxiété sociale et mes difficultés relationnelles provenaient de mon passé. C’était partiellement vrai.
J’avais appris à « faire avec ». J’avançais en boitant sur mon chemin de vie, mais j’avançais.
J’avais fini par endosser comme un étendard l’image que la société renvoyait de moi : une rebelle asociale. Au moins, c’était la norme apparente dans le milieu underground que j’avais choisi à cette époque.
Comment aurais-je pu faire autrement ? Comment expliquer l’indicible ? Comment discuter « normalement » avec les autres lorsque l’on a subi une enfance atypique, complètement différente de celle de la majorité ?
Les conversations les plus anodines sont des terrains minés. Vous me voyez répondre à la question d’un collègue de travail :
- « Tu te souviens du dessin animé machin-truc ? »
- « Ah non, il n’y avait pas la télé dans le garage où je passais mes week-ends. »
Oui, ça aurait été impolitiquement correct. Totalement dérangeant, pour moi et pour mon interlocuteur. Et puis ça ne le regardait pas.
Je n’ai jamais su mentir. Enfin, pas très bien. Mes émotions se voient sur mon visage comme le nez sur la figure de Pinocchio.
Alors je suis devenue la reine de la défilade. Dès qu’une intention de rapprochement social se profilait, je me faisais la malle. J’évitais tout ce qui pouvait ressembler à une discussion en tête à tête, à de l’intimité.
J’ai peu à peu creusé le lit de mon anxiété sociale… Bien profondément.
La délivrance par la connaissance, la guérison par la résilience.
Bon nombre d’enfants maltraités n’ont pas eu la chance que j’ai eue une fois adulte. Ce jour où, dans la salle d’attente de mon généraliste, j’ai lu avec intérêt la chronique d’un livre de psychologie. Livre qui fut le déclic grâce auquel j’ai débuté ma croissance personnelle.
Je vénère cette particularité de notre époque où le savoir s’offre à nous au détour du moindre écran, à l’entrée dans la moindre bibliothèque publique.
Vous vous posez beaucoup de questions ? Soyez heureux de cette capacité que vous possédez. La soif d’obtenir des réponses est un outil que j’ai utilisé à mon profit pour développer connaissance et estime de soi.
Le concept de résilience que j’ai découvert à travers ce livre de psychologie a changé ma vie.
J’ai compris que mon anxiété sociale n’était pas une phobie mais un trouble de l’estime de soi. Elle était liée à une dévalorisation de ma personne, dans mes relations à moi-même ou mes relations aux autres.
Mon comportement d’évitement des situations sociales provenait de ma honte d’être une victime. Ma peur des autres était induite par ma peur de révéler qui j’étais vraiment. Et bien sûr par la peur d’être blessée à nouveau.
J’ai tiré de la force de cet enseignement. Et j’ai commencé un long travail qui consistait à modifier mon état d’esprit. De la noirceur à la lumière. De la victimisation à la prise de décisions.
Votre conscience et votre sensibilité sont vos guides
Mais j’avais toujours en moi ce sentiment d’être incomprise, même auprès des personnes les plus intimes. Cette lourde obligation sociale de devoir cacher mon passé.
Jusqu’à découvrir la notion d’hypersensibilité. Il y a quelques années seulement. Grâce à un burnout professionnel. (Oui, « grâce à » et non « à cause de ».)
Et vous ne pouvez pas imaginer à quel point cela m’a soulagée. Être une ex-enfant maltraitée est un sujet de discussion frappé d’interdit. Être une personne sensible est socialement admissible.
Et cela procure tellement de joie de savoir que l’on n’est pas seule au monde avec cette spécificité.
J’ai enfin compris que mon amour de la solitude, mon besoin de calme, n’étaient pas seulement de l’anxiété sociale mais un élan vital et naturel pour me ressourcer en énergie.
J’ai découvert ma sociabilité. Avec des personnes choisies, dans des contextes bien précis.
J’ai compris qu’être « inadaptée » dans une société dérangée, c’est une preuve de clairvoyance et de sage révolte et non une déficience.
Et cette vision positive change tout !
La découverte de mon hypersensibilité a été le sommet atteint après une longue et difficile escalade.
Grâce à elle, j’ai révélé publiquement mon enfance blessée.
J’ai été une victime, comme bien des enfants dont on ne parle jamais, qui finissent au pire, par mourir. Au mieux, être mutilés à vie dans leur esprit et leur corps. Je n’ai pas à avoir honte de cela. Je n’ai pas à le cacher.
Je ne suis pas responsable de l’inconfort ressenti par mes interlocuteurs lorsque j’évoque mon enfance. Je n’y suis pour rien… Si tu ne veux pas connaître la réponse, ne pose pas la question.
J’ai longtemps rêvé d’avoir eu des parents aimants, une enfance normale, de n’avoir pas gâché tant d’années de ma vie, de retrouver ces pans de ma mémoire effacés par les traumatismes. Mais ça ne sert à rien de regretter. Le passé est irrémédiable mais l’avenir est entre nos mains.
Je ne serais pas la personne que je suis sans ce parcours. Et j’ai aujourd’hui beaucoup d’estime pour cette personne 😊 J’ai accepté ce que je ne peux changer.
Accepter est très différent de refouler. L’acceptation du passé est une démarche de paix avec soi, de vérité. Tandis que le refoulement consiste à se mentir à soi et aux autres, à prétendre être une autre personne. À tenter d’enfouir des événements douloureux qui ne pourront que se manifester à nouveau…
Je suis une enfant maltraitée hypersensible devenue une adulte épanouie. Cela m’a construite mais cela ne m’enferme pas. Je suis aussi bien d’autres choses. Tout ce que j’ai envie d’être.
Cela n’a pas été sans mal et sans efforts. Mais c’est ainsi. C’est ma vie. Et jusqu’à la preuve du contraire, je n’ai que celle-là à ma disposition. Autant l’apprécier comme il se doit.
La quête du sens
À partir du moment où j’ai décidé que je ne devais pas avoir honte de mon enfance blessée, le regard que j’ai porté sur les relations sociales a radicalement évolué.
Mes recherches sur l’hypersensibilité ont éclairé les derniers points obscurs de ma personnalité.
- Pourquoi suis-je si irritée par les incivilités ordinaires ?
- Pourquoi je ne supporte pas la médiocrité professionnelle ?
- Pourquoi les managers qui ne prennent pas leurs responsabilités m’énervent au plus haut point ?
- Pourquoi j’ai besoin de tout analyser ?
- Pourquoi j’ai toujours envie de défendre la veuve et l’orphelin ?
- Pourquoi je n’arrive pas à comprendre que des actes violents soient possibles ?
- Pourquoi est-il si évident pour moi de faire partie d’un écosystème et pas pour l’ensemble de l’humanité ?
- Pourquoi je fantasme depuis l’adolescence d’être Wonder-Woman pour péter la gueule à tous les « méchants » ? 😁
Cette découverte, ce burnout, ont aussi été le déclic qui m’a fait changer d’environnement professionnel. Votre corps ne lâche jamais par hasard. Il vous force à regarder la situation en face. Pour ma part, cela faisait plusieurs années que je ne trouvais plus de sens dans mon travail. Mais je tenais, parce que ma situation professionnelle était très confortable.
Quand j’ai décidé de me mettre à mon compte, j’ignorais tout du blogging en tant qu’activité professionnelle. Je pensais faire de la prestation technique.
Mais j’avais aussi envie de partager mes découvertes et ma croissance personnelle, pour que ça serve à d’autres. Dévoiler mes blessures comme mes forces.
Et voilà ce qui m’a amenée jusqu’à vous, une étape après l’autre…
Si je ne pouvais m’adresser directement aux anciens enfants maltraités car le sujet est trop tabou, je pouvais au moins évoquer mes découvertes sur l’hypersensibilité et partager mon parcours de découverte et de développement de soi.
Je me doutais de ne pas être la seule à avoir ignoré cette spécificité de notre système nerveux durant si longtemps.
Je repensais à toutes les fois où ma sensibilité débordante m’avait créé des problèmes. À l’impuissance que je ressentais face à certaines de mes réactions ou à celles des autres.
Aux milieux professionnels dans lesquels j’avais travaillé, qui sont bien loin de valoriser la sensibilité.
Depuis toujours, ce sont les minorités maltraitées ou méprisées qui ont fait bouger les mentalités et changé le monde. Viendra le tour des Sensibles.
Les enfants hypersensibles qui auront la chance d’être acceptés tels qu’ils sont par leur entourage familial développeront plus facilement leur potentiel créatif, qu’ils transformeront plus tard en force.
Et c’est ainsi que l’envie de créer un blog a doucement fait son chemin.
L’idée de départ était simple : s’adresser à des personnes qui rencontrent les mêmes difficultés que celles que j’ai traversées du fait de leur grande sensibilité. Les aider à développer leur estime de soi, leurs compétences intra et interpersonnelles (vous vous souvenez ? La relation à soi et la relation aux autres qui étaient mes faiblesses de départ…) et ainsi valoriser l’image des personnes sensibles dans la société.
Ainsi je pourrais donner du sens à mon travail en aidant mes semblables.
La force créatrice des Sensibles
Mes semblables n’étaient pas ces faux rebelles de ma jeunesse vers lesquels mon état de révolte m’avait fait aller. Ces « punks » qui faisaient la manche durant la journée et rentraient sagement chez papa-maman le soir. Ces métalleux imbibés de bière, incapables de s’intéresser à autre chose qu’aux performances techniques de leurs musiciens préférés. Ces étudiants gothiques qui théâtralisaient leur vie, pendant que je gagnais déjà la mienne à la sueur de mon front…
Mes semblables sont les Sensibles. Tous les Sensibles. Ceux qui sont capables de s’extasier sur les rayons de lumière qui percent à travers les arbres. Ceux qui refusent que la violence puisse exister. Ceux qui doutent de leur intelligence alors qu’une personne vraiment bête ne se pose jamais de questions. Ceux qui ne font pas semblant. Ceux qui ont versé beaucoup de larmes mais qui continuent à offrir leur confiance. Ceux qui ont beaucoup souffert mais qui ne feraient pas de mal à une mouche. Ceux qui ont vécu une enfance difficile, une relation amoureuse toxique, un harcèlement moral au travail, un burnout, le deuil d’un proche, la maladie…
Vous qui me lisez, plein de fêlures mais encore debout. Persuadé·e d’être faible, impuissant·e, inintéressant·e. Alors que la force, le courage et la passion sont ce qui vous anime et vous maintient en vie.
J’aimerais que vous acceptiez qu’il est parfaitement normal et naturel d’être sensible.
Vous avez vos défis à relever mais surtout vos points forts. Utilisez votre esprit avide de connaissance pour les détecter. Votre puissance intérieure ne demande qu’à être libérée.
- Recentrez-vous délibérément sur le positif et les possibles.
- Respectez votre tempérament en faisant ce qui est bon pour vous.
- Cessez de croire que vous êtes un imposteur. Sachez que seuls les gens responsables et consciencieux s’imaginent l’être.
- Laissez votre créativité et votre feu naturels s’exprimer par le corps et l’esprit. Découvrez ce qui vous anime et vous fait vibrer. Est-ce l’écriture, le chant, la décoration, le bricolage, le sport, la cuisine, la musique, la danse ?
Peu importe. Parce que quelque part, d’autres dansent avec vous.
Vous n’êtes pas seul·e.